Mandolines de Lunel

Ça commence dès le mercredi soir, par un apéritif, au café National, avec les Bandits du Vidourle, du nom d’un fleuve local sujet à des débordements. Harmonica, contrebasse, percussions et mandoline bien sûr, pour une ambiance à la Dylan. Ça reprend, le lendemain matin avec des ateliers pour débutants, petits et grands ou des master-classes pour mandolinistes confirmés, animées par les plus grands virtuoses du monde, venus du Venezuela, du Brésil, des Etats Unis, de Toulouse. Concert, évidemment, chaque soir, pour le public. Ça finit dans la nuit, samedi, on ne saurait dire à quelle heure, les mandolinistes ayant souvent du mal à s’arrêter de jouer.

Pour Olivier Chabrol, compositeur, mandoliniste et père de ce premier festival, l’heure est « historique« . Le pape de la mandoline blue grass, Mike Marshall, vient en effet, rencontrer à Lunel, Halmiton de Holanda, le maître du choro, bresilien, une musique de rue. Deux musiciens immenses au delà de ces étiquettes destinées à les situer. Les deux ne sont jamais vus. Ils collectionnent leur disques réciproques. Ils se sont mis d’accord pour jouer en duo. «C’est un peu comme si Stravinsky ou Mozart venaient nous rendre visite… Ce serait impensable, avec tout autre instrument».

Tout d’un coup c’est parti. La mandoline bannie de la musique au XXè siècle, pour cause de vibrato napolitain, ose se montrer. Et l’on s’aperçoit, ô stupeur, que nombres de musiciens l’affectionnent. Les amateurs souvent en possèdent une, «dans le meilleur des cas, dans la cuisine, dans le pire au grenier». En tout cas, ils ne l’ont pas vendue, à cause de sa légèreté peut-être, ou de la douceur incomparable de ses cordes, au son bien rond, facile. On l’accorde comme un violon, mais elle n’arrache pas des larmes à tomber dans la soupe, elle ne provoque pas d’aigreur de clavecin.  Les professionnels l’aiment aussi, parce que l’on peut la faire chanter des mélodies très fines comme marteler une basse d’accords rythmés.

Des compositeurs écrivent donc de belles pièces pour l’instrument si versatile, comme Chabrol ou Daniel Portalès, un élève de Marshall, mais c’est récent. L’absence de répertoire contemporain, puisque la mandoline n’avait pas de place dans l’orchestre famillial bourgeois, la cantonnait aux formations classiques et jolies sarabandes du XVIIIème siècle, jouées par des baroqueux. Sauf en Amérique bien sûr, où la musique vit très fort. Au Venezuela, elle est l’instrument roi traditionnel : le trio Sandoval en donne la démonstration vendredi soir. Autour du Golfe du Mexique, elle n’a jamais cessé d’entraîner à danser, du cajun à la biguine et au rockabilly.

C’est bien par la musique folk qu’elle est revenue. L’irlandais Ewan Shiels compose sur mandoline pour le célèbre théâtre franco-anglais Footsbarn. Il a muni son instrument d’une pédale d’effets et passe sans transition de l’égrenage des notes des « Enfants du Pirée », comme sur un bouzouki, à un son distordu de guitare électrique, pour le refrain. Il a constitué pour Lunel un Monstruous Mandolin Massacre Orchestra. Ça promet

La ville de 25 000 habitants, en a vu d’autres :  la moitié de ses habitants y est arrivée depuis quinze ans. Une soirée de mandoline latino l’hiver dernier, avait rempli le théâtre à ras bord. D’où l’idée d’un festival hors saison. Le groupe Sonnailles de Chabrol s’est d’ailleurs adjoint un prodige local de la mandoline électrique, Kevin Inzelrac : seize ans et demi et des sons hurlants, saturés, qui tombent sur chaque cadence au mm, dans un rock digne des Cream ou de Hendrix.

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